Marguerite BUFFARD

Fiche individuelle de renseignement de Marguerite Buffard - 1er avril 1939 (Cote SC 44708A, Archives de l'Aube)
Fiche individuelle de renseignement de Marguerite Buffard - 1er avril 1939 (Cote SC 44708A, Archives de l'Aube)

C’est dans le Jura, à Gillois, que Marguerite Marie Louise Buffard voit le jour le 20 juin 1912. Fille de deux instituteurs, elle poursuit des études et devient professeur de philosophie. Enseignante en lycée, elle débute sa carrière à Colmar en 1935, avant d’être envoyée à Caen où elle obtient sa titularisation en 1938. Activement engagée au parti communiste, ses convictions et ses actions lui valent d’être mutée. Initialement attendue à Grenoble en janvier 1939, elle est finalement nommée un mois plus tard au lycée de jeunes filles à Troyes.

Déterminée à continuer son engagement politique, elle devient rapidement membre du parti communiste local et y fait la connaissance de Jean Flavien, cultivateur de métier et secrétaire régional du parti. Quelques mois après leur rencontre, Marguerite et Jean célèbrent leur union à Troyes, le 12 août 1939.

Notice nominative retraçant succinctement le parcours professionnel et les affectations de Marguerite Buffard (Cote SC 45013 - Archives de l'Aube
Notice nominative retraçant succinctement le parcours professionnel et les affectations de Marguerite Buffard (Cote SC 45013 - Archives de l'Aube
Mouvement du personnel du second degré - 1938-1945 (Cote SC 44884, Archives de l'Aube)
Mouvement du personnel du second degré - 1938-1945 (Cote SC 44884, Archives de l'Aube)
Liste du personnel non mobilisable qui tient à rester à son poste - sans date [1939] (Cote SC 44708A, Archives de l'Aube)
Liste du personnel non mobilisable qui tient à rester à son poste - sans date [1939] (Cote SC 44708A, Archives de l'Aube)

Deux semaines plus tard, Jean est mobilisé en tant que soldat et ses parents, également communistes, sont mis sous surveillance. Constant Flavien, le beau-père de Marguerite, fait l’objet d’une commission rogatoire demandée par le juge d’instruction de Troyes et fini par être auditionné par la police, le 26 septembre, pour distribution de tracts. Par ailleurs, lors d’une perquisition au domicile de Jean, cinq tracts intitulés « La Grande inquiétude du commerce français » sont retrouvés et imputés à Marguerite.

Ces évènements ont une incidence sur sa carrière entrainant, dans un premier temps, une nouvelle mutation à Grenoble, au 1er octobre 1939 ; affectation à laquelle elle ne peut se rendre.

Le 17 décembre, Marguerite est suspendue sans salaire de ses fonctions, au motif de détention de tracts, de bulletins d’inspiration étrangère et pour agissements communistes, une infraction envers le décret de dissolution de parti communiste en date du 26 septembre 1939.

Alors suspendue, elle finit par être également exclue du parti communiste au début de l’année 1940. Malgré tout, elle continue à subir de nombreuses perquisitions avant d’être finalement arrêtée et internée à Dijon au mois de mai. Libérée le 13 juin 1940, elle décide de revenir dans l’Aube. Toutefois, une instruction judiciaire ouverte depuis le 18 novembre 1939 par le Procureur de la République la place sous surveillance. Travaillant un temps dans une usine de bonneterie troyenne, elle abandonne toute activité politique et part finalement vivre dans la ferme de ses beaux-parents à Voué, contribuant ainsi aux travaux des champs. Ne pouvant prouver sa participation à des actes illégaux ni à des faits de propagande, toutes les accusations qui lui sont reprochées sont abandonnées et un non-lieu est prononcé.

Suite à ce non-lieu et au soutien élogieux de la directrice du lycée de jeunes filles, les compétences exceptionnelles de Marguerite pour l’enseignement sont reconnues et l’Inspection académique envisage sa réintégration dès janvier 1941. Très rapidement, elle est de nouveau appelée à enseigner, d’abord au lycée de Nîmes, puis à Lons-le-Saunier mais, à défaut de laisser-passer, elle ne peut rejoindre aucun de ces postes.

Correspondance entre le Recteur et l’Inspecteur d’Académique de l’Aube au sujet de Marguerite Flavien - 4 février 1941 (Cote SC 45013, Archives de l'Aube)
Correspondance entre le Recteur et l’Inspecteur d’Académique de l’Aube au sujet de Marguerite Flavien - 4 février 1941 (Cote SC 45013, Archives de l'Aube)
Arrêté ministériel de suspension et de réaffectation de Marguerite Flavien - 18 février 1941 (Cote SC 45013 - Archives de l'Aube)
Arrêté ministériel de suspension et de réaffectation de Marguerite Flavien - 18 février 1941 (Cote SC 45013 - Archives de l'Aube)

Correspondance de Marguerite Flavien - 27 février 1942 (Cote SC 45013 - Archives de l'Aube)
Correspondance de Marguerite Flavien - 27 février 1942 (Cote SC 45013 - Archives de l'Aube)

Finalement nommée à Amiens en novembre 1941, Marguerite sollicite un premier congé maladie d’une durée de 3 mois auprès de l’Inspection académique de l’Aube, congé qu’elle prolonge pour une durée de 5 mois, jusqu’à la fin de l’année scolaire, en juin 1942.

Arrêtée le 24 septembre, elle est retenue deux jours à l’Hôtel-de-Ville pour être interrogée. Emmenée à la prison Hennequin le 26 septembre, en détention passagère, elle en ressort le 2 octobre, uniquement pour être envoyée au camp de La Lande à Monts en Indre et Loire.

Après cette date, Marguerite ne reviendra jamais dans l’Aube.

Correspondance entre le Commissaire de Police et Monsieur le Préfet de l’Aube - 30 septembre 1942 (Cote SC 2433, Archives de l'Aube)
Correspondance entre le Commissaire de Police et Monsieur le Préfet de l’Aube - 30 septembre 1942 (Cote SC 2433, Archives de l'Aube)
Registre d’écrou (ordre chronologique des arrivées du n° 31 au n° 970) de la Maison d’arrêt de Troyes - 1931-1946 (Cote 1376 W 98, Archives de l'Aube)
Registre d’écrou (ordre chronologique des arrivées du n° 31 au n° 970) de la Maison d’arrêt de Troyes - 1931-1946 (Cote 1376 W 98, Archives de l'Aube)

Dès le début de son enfermement au camp de La Lande elle prend à cœur le sort des détenues et tente d’améliorer leurs conditions de vie. Très vite, son activisme au sein du camp lui vaut d’être transférée au camp de Mérignac en août 1943. Elle y restera jusqu’à son évasion en décembre. Après un bref passage à Paris, elle rejoint la résistance à Lyon en intégrant les Francs-tireurs et partisans français (F.T.P.F.).

Dénoncée puis arrêtée par la milice le 10 juin 1944, Marguerite se suicide trois jours plus tard en sautant par la fenêtre.

Cinq mois après son décès, le 9 novembre, la ville de Troyes lui rend hommage pour ses actions au sein de la Résistance en accordant par délibération son nom à une rue proche du lycée de jeunes filles.

Dès 1945, Jean Flavien et les parents de Marguerite militent pour honorer sa mémoire et réhabiliter son nom. Considérée comme décédée en déportation, Marguerite est réintégrée pour ordre, le 12 juin 1946, par un décret du ministère de l’Education nationale.

Arrêté ministériel de réintégration pour ordre avec promotion de Marguerite Flavien - 12 juin 1946 (Cote SC 45013, Archives de l'Aube)
Arrêté ministériel de réintégration pour ordre avec promotion de Marguerite Flavien - 12 juin 1946 (Cote SC 45013, Archives de l'Aube)

Cette réintégration à titre posthume, symbolique, signifie que Marguerite Flavien est rétablie rétroactivement dans ses fonctions de professeur titulaire de philosophie au lycée de jeunes filles de Troyes, pour la période du 17 décembre 1939 au 10 juin 1944.

Anne-Lise DREGE

Juin 2024

Pavé technique

Titre : Notice individuelle de Marguerite Buffard, Inspection Académique de l’Aube.

Cote : SC 45013

Date : sans date

Description : Notice nominative retraçant succinctement le parcours professionnel et les affectations de Marguerite Buffard.

Titre : Arrêté ministériel de suspension et de réaffectation de Marguerite Flavien.

Cote : SC 45013

Date : 18 février 1941

Description : Arrêté émanant du Ministère de l’Instruction publique relatif à la suspension de Marguerite Flavien en tant que professeur de philosophie avec une nouvelle affectation en tant que professeur délégué au lysée de jeunes filles de Nîmes.

Titre : Correspondance de Marguerite Flavien.

Cote : SC 45013

Date : 27 février 1942

Description : Lettre manuscrite et signée de Marguerite Flavien pour demander le prolongement de son congé maladie auprès de l’Inspection académique de l’Aube.

Titre : Correspondance entre le Recteur et l’Inspecteur d’académie de l’Aube au sujet de Marguerite Flavien.

Cote : SC 45013

Date : 4 février 1941

Description : Lettre relatant les motifs de suspension de Marguerite Flavien, ses activités suite à cette suspension ainsi que les conclusions de l’instruction judiciaire menée à son encontre.

Titre : Arrêté ministériel de réintégration pour ordre avec promotion de Marguerite Flavien.

Cote : SC 45013

Date : 12 juin 1946

Description : Arrêté émanant du Ministère de l’Education nationale accordant à titre posthume la réintégration pour ordre et une promotion à Marguerite Flavien en tant que professeur de philosophie au lycée de jeunes filles de Troyes.

Titre : Correspondance entre le commissaire de police et Monsieur le Préfet de l’Aube.

Cote : SC 2433

Date : 30 septembre 1942

Description : Courrier administratif transmis par le commissaire de police rattaché au Cabinet du Préfet à destination du préfet de l’Aube, lui demandant d’établir en urgence les réquisitions d’usage pour transférer deux personnes. Internées administrativement, celles-ci sont connues pour être communistes et susceptibles de mener à bien des actions antinationalistes.

Deux gendarmes et un véhicule de transport sont alors nécessaires pour emmener ces deux personnes, entre la maison d’arrêt de Troyes (prison Hennequin) et le camp de La Lande à Monts en Indre-et-Loire. Marguerite Buffard-Flavien est l’une d’entre elles.

Titre : Mouvement du personnel du second degré.

Cote : SC 44884

Date : 1938-1945

Description : Extrait du registre du mouvement du personnel du second degré indiquant les arrivés et les départs au sein du lycée de jeunes filles pour l’année 1939. Marguerite Buffard est mentionnée aussi bien dans les départs que les arrivées de 1939.

Titre : Registre d’écrou (ordre chronologique des arrivées du n° 31 au n° 970) de la Maison d’arrêt de Troyes.

Cote : 1376 W 98

Date : 1931-1946

Description : Extrait du registre d’écrou mentionnant la détention de Marguerite Buffard à la Maison d’arrêt de Troyes, appelée également prison Hennequin.

Titre : Liste du personnel non mobilisable qui tient à rester à son poste.

Cote : SC 44708A

Date : sans date [1939]

Description : Liste rassemblant les noms et les fonctions des membres du personnel du lycée de jeunes filles, qui ne souhaitent être ni mobilisés ni réaffectés à un autre poste. Classée par ordre alphabétique, cette liste est destinée à l’Inspection académique de l’Aube.. Marguerite Buffard est mentionnée en 3ème position.

Titre : Fiche individuelle de renseignement de Marguerite Buffard.

Cote : SC 44708A

Date : 1er avril 1939

Description : Fiche individuelle et nominative, complétée par Marguerite Buffard, concernant en partie ses souhaits en cas de mobilisation. Ne souhaitant pas être mobilisable et rester à Troyes, Marguerite indique dans cette fiche vouloir travailler en usine ou être évacuée en Normandie en cas d’obligation.

Pour en savoir plus :

LANGEOIS Christian, Marguerite. Biographie de Marguerite Buffard-Flavien (1912-1944), Ed. Le Cherche Midi, Paris, 2009, 390 p.

FEISS Germaine (Dir.), Hommage à Marguerite Flavien-Buffard 26 juin 1912 – 13 juin 1944, Ed. Presses de Guillemot et de Lamothe1945, 90 p.

Article BUFFARD Marguerite, Marie-Louise, épouse FLAVIEN : https://maitron.fr/spip.php?article18144, notice BUFFARD Marguerite, Marie-Louise, épouse FLAVIEN par Christian Langeois, René Lemarquis, Jean Quellien, version mise en ligne le 20 octobre 2008, dernière modification le 17 août 2021.

Partager sur